Tombe 1842

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RENSEIGNEMENTS SUR UNE PIERRE DE GRANDE DIMENSION, CREUSÉE EN FORME D AUGE, TROUVÉE SUR LE TERRITOIRE D’AMANCE

(MEURTHE).

 La fondation du Journal de la Société d’Archéologie dont un numéro a paru pour la première fois au mois d’avril dernier, a dû rappeler à bon nombre de personnes des faits antérieurs qui concernaient les arts et que l’on eût appris sans doute avec intérêt par la publicité de ce journal. Pour moi, sa publication m’a remis en mémoire le souvenir d’une découverte qui, à l’origine, aurait encore été plus soigneusement explorée, si la curiosité patiente et active qui s’attache généralement aux choses anciennes, avait eu un organe spécial pour la faire connaître.

Les renseignements que je vais donner sont destinés surtout à éclairer sur les proportions matérielles de l’objet découvert, et sur la situation de la localité où il a été trouvé.

Heureusement que le temps qui s’est écoulé depuis la connaissance qu’on en a eue, n’a pas été trop long pour éteindre ou pour égarer les souvenirs qui peuvent s’étayer encore de la portion principale de l’objet, qui a été conservée jusqu’aujourd’hui.

D’ailleurs, plusieurs personnes recommandables l’ont examiné dans son entier sur les lieux même. Les habitants de plusieurs villages l’ont vu; le propriétaire du sol où il se trouvait, les maçons, les ouvriers qui ont été employés à son extraction, sont vivants et peuvent être consultés.

Le 24 du mois de janvier 1842, jour de remarque pour le propriétaire, Charles Gauchenot, ancien soldat de l’Empire, en défonçant le sol d’une vigne pour y remplacer les plants devenus improductifs, fut arrêté par un corps résistant qu’avait rencontré sa bêche.

Ce terrain est situé aux confins des vignes sous les ruelles, dans le prolongement du canton appelé Tête-à-Mur, sur le versant sud-est du finage d’Amance, en regard du village de Laneuvelotte.

L’une des extrémités de la pierre creusée en forme d’auge, comme peuvent se le rappeler les personnes qui sont venues la voir dès le commencement, était tournée vers l’est. Elle était établie sur trois blocs de pierre blanche, pareille à celle du monument qui a de longueur 2 m., 0430; et de hauteur 0 m., 880.

Les blocs se touchaient et il n’existait aucun intervalle.entre eux. Ils débordaient longitudinalement aux extrémités de la pierre de 0 m. 20; et de 0 m., 30 à 40 sur les flancs. Ainsi placés, dans la ligne de leur plus grande étendue, ils mesuraient au moins trois mètres de longueur.

Le poids total de cet énorme massif peut être évalué, d’après les calculs de ceux qui en ont fait l’extraction, l’ont chargé et déchargé pour le voiturer, à une moyenne de 6,000 kilogs. Chaque bloc affectait à-peu-près la forme d’un cube ou s’en rapprochait de beaucoup.

Cela avait dû être une entreprise gigantesque, d’après l’aspect actuel des lieux, que d’atteindre à cet endroit si fort en pente, avec de telles masses, par des voies sinueuses et impraticables, par des chemins difficiles et écartés, tels qu’ils existent.

Aussi les hommes spéciaux s’en étonnent, et l’on ne comprendrait pas trop que l’on eût pu la tenter et y parvenir, si l’on n’en connaissait le résultat.

Le 5 de ce mois, j’ai été demander à M. Thorelle de vouloir bien faire le dessin de ce qui subsiste encore de cette découverte, de la pierre creusée en auge, qui jusqu’à présent n’a pas subi des dégradations essentielles et qui empêchent d’apprécier ce qu’elle était au moment de la sortie de terre. Mais les blocs qui la supportaient ont été cassés et débités par le maçon, qui s’en est servi comme de matériaux à son usage. Ils étaient tous à peu près semblables; les dimensions de celui qui paraissait le plus volumineux ont été conservées. Ainsi les dessins qui viennent à l’appui de ces notes, sont dus au talent de M. Thorelle, à la parfaite exactitude et à l’élégante facilité de son crayon.

Dans une note dont je donne le texte plus loin et insérée dans le Journal de la Meurthe, le 29 mars 1843, quelques mois après ce qui s’était passé, sous l’impression de l’étonnement de l’importante trouvaille qui venait d’être faite, en songeant aux diverses découvertes accessoires et voisines de celle de la pierre, j’avais, par aperçu, formulé une opinion que je réforme devant l’autorité qui doit naître d’un journal spécial de publicité; voulant me conformer à l’avis qui deviendra celui de nos érudits et doctes confrères de Nancy et du dehors.

Des débris de mâchoire humaine trouvés dans l’intérieur même de la pierre, un squelette dans son entier, y compris toute la réunion des parties de la tête, découvert dans le voisinage et dans le court espace du terrain défoncé ([1]), le nom même du canton, qui ferait croire que sa désignation est due à la rencontre de dépouilles humaines : ces circonstances, réunies m’avaient fait bâter une conclusion, qu’aujourd’hui je laisse à d’autres le juste droit de prendre à leur charge.

Amance, le 29 mars 1843.

 Monsieur le Rédacteur,

 « Le Journal de la Meurthe et des Vosges, du 9 du mois de janvier, mentionnait une découverte faite sur le territoire d’Amance.

« Ce monument d’antiquité romaine qui n’avait pu être extrait de la place qu’il occupait, lorsque M. Chatelain, architecte, et M. Henri Lepage se trouvèrent sur les lieux, a laissé voir, après son enlèvement, un massif énorme qui lui servait de base.

« Destinées à être entièrement dérobées à la vue, les pierres de cette fondation, au nombre de trois, sont plus extraordinaires, peut-être par l’intention qui s’y rattache, que le monument lui-même n’offre d’importance artistique.

« Elles sont de pierre blanche, proviennent des carrières de la côte de Bouxières-aux-Chênes, et forment, par leur réunion, une longueur de 3 mètres.

« Elles ont à peu près la même dimension; toutefois celle qui parait la plus grosse a un mètre 45 centimètres de longueur, un mètre 15 centimètres de largeur, et 90 centimètres de hauteur.

« Cette assise n’avait, sans doute pas besoin de cette magnificence matérielle pour offrir à la pierre monumentale un appui qui la mit à l’abri de tout dérangement; et quand on considère la distance de 5 à 6 kilomètres qui existe des carrières à cet endroit, le poids et la difficulté des transports par des chemins qui n’ont jamais cessé de présenter des descentes et des montées rapides, on peut reconnaître la pensée de rendre plus d’honneurs, par plus de travaux, aux restes qui furent déposés en ce lieu, et que ce tombeau, a renfermé la dépouille mortelle d’un personnage considérable.

«  A la surface supérieure du premier de ces blocs, on remarque une légère entaille. en forme d’X, dont l’une des branches, mieux creusée que l’autre, est terminée, à chacune de ses extrémités, par un trou carré d’environ ( centimètres, d’une profondeur égale à l’ouverture.

« Ces renseignements, M. le Rédacteur, pourront convenir à ceux de vos lecteurs qui ont pris intérêt à la découverte que vous avez signalée, et compléter les détails que vous avez publiés dans votre journal.

« Agréez, etc.                      Louis COLLENOT. »

 

J’ai adressé les questions que je vais rapporter ici au propriétaire du terrain; à la suite, j’indiquerai les réponses que j’ai écrites en sa présence.

 

Questions relatives à la découverte de la pierre ayant forme d’auge.

 

1ère question. Avez-vous trouvé dans l’intérieur de la pierre, des armes, des monnaies, des grains en verre, des vases, des ossements humains, ou des débris de ces objets?

1ère réponse. J’ai trouvé dans l’intérieur de l’auge quelques débris de pots de terre et de tuiles à rebords, comme il y en avait beaucoup aux environs de mon terrain, et j’ai trouvé tout-à-fait au fond de l’auge, dans le coin du côté d’Amance, une partie supérieure de mâchoire humaine, munie de cinq dents, que vous vous rappelez que je vous ai prié de conserver.

2°. Y avait-il dans l’espace occupé par le terrain défoncé, quelque autre chose aux alentours de la pierre?

R. A 6 mètres au plus de l’auge, j’ai trouvé un corps tout entier, il n’y avait plus que le squelette, à la profondeur de près de 0 m. 66; il était placé sur son dos, les pieds du côté de Champenoux (Est) et la tête vers Amance (Ouest). La tête a été emportée par le maçon qui a acheté les trois blocs de pierre qui soutenaient l’auge, et il a encore la tête chez lui ([2]).

3° Sauriez-vous si quelques propriétaires, dans les. champs voisins ou dans les vignes avoisinantes auraient fait des découvertes?

R. On a trouvé différentes choses, et je connais encore la place d’un mur, le ruisseau des Vignes passe par dessus, en travers, on a bien de la peine à casser le mortier avec la pioche.

4° L’intérieur de la pierre était-il entièrement rempli quand on l’a trouvée, et quelle était la couleur de la terre?

R - L’auge était pleine d’une terre menue et plus noirâtre que celle de mon terrain.

5° Croyez-vous que ceux qui ont planté la vigne, auraient pu rencontrer antérieurement avec la pioche ou la bêche, la même pierre, emporter ce qui aurait pu y être contenu, et ne pas extraire la pierre elle-même, à cause de l’apparence de sa pesanteur ?

R. Je ne peux pas en répondre, mais j’ai entendu dire à   . . . (il cite le nom), que le couvercle de l’auge avait servi dans l’église et que l’on reconnaissait la pierre.

6°. Selon votre opinion, y a-t-il toujours eu de la vigne à cet endroit?

R. En 1786, mon père avait acheté la vigne où s’est trouvée l’auge; la vigne était déjà vieille, il l’a replantée; s’il avait trouvé quelque chose, il me l’aurait raconté quand nous travaillons ensemble.: Il y a une différence qui est la cause, peut-être, que j’ai trouvé là où mon père n’a rien vu, c’est qu’il a seulement replanté la vigne, et moi j’ai défoncé le terrain pour replanter.

7° A quelle profondeur la pierre se trouvait-elle de la superficie du sol?

R. A 0 m., 50 environ du côté du bas (Est), et à 0 m. 60 ou 66 du côté d’Amance (Ouest).

8° De quel côté les extrémités de la pierre étaient-elles tournées ?

R L’un des bouts donnait directement vers la cense de la Bouzule (Est), mais les pieds du corps que j’ai trouvé dans la terre étaient encore plus tournés vers le soleil levant.

9° Avez-vous trouvé en défonçant la vigne des pierres rougies et qui paraissaient avoir été brûlées?

R. J’ai, à la vérité, retiré bien des pierres qui paraissaient avoir été dans le feu.

10° Quand la vigne était jeune, avant sa détérioration, ne devait-elle pas avoir une épaisseur suffisante qui peut aujourd’hui faire penser qu’il y a eu au-dessus, au dedans et aux côtés de la pierre des ceps qui y auraient été plantés, puisqu’elle était peu profondément enfoncée dans la terre et qu’elle occupait assez d’étendue dans le terrain ?

R. Il y a dû avoir immanquablement des plants de vigne, au dessus et aux côtés de l’auge, quand la vigne était en plein rapport.

11°. Y avait-il quelque pierre ou quelque autre chose, contre ou sous les blocs qui portaient la pierre principale ?

R. Il n’y avait rien sous les blocs qui supportaient l’auge; ils reposaient profondément dans la terre bleue, sur le bon fond.

12° Etait-elle de niveau, n’était-elle pas penchée vers l’une de ses extrémités ?

R. L’auge était parfaitement de niveau et d’aplomb; elle ne penchait ni d’un côté ni de l’autre. L’un des trois blocs, celui du milieu était aussi élevé que les autres, mais il avait un peu~moins de largeur.

J’ai pensé que l’on apprendrait avec intérêt des renseignements transmis et donnés par l’auteur même de ces diverses découvertes.

Si l’on voulait joindre les indices qui concernent ce monument à ceux qui ont rapport à des faits antérieurs et à des découvertes déjà obtenues près du lieu de son exhibition, on aurait peut-être acquis plus de vraisemblance pour fixer sa destination ancienne; observation que je n’avance qu’avec toute réserve, en se souvenant que l’endroit où l’on a rencontré d’abord une portion de mâchoire humaine, et ensuite un squelette tout entier, est situé dans la zone du ban d’Amance, appelé Tête-à-Mur; ce qui semblerait indiquer un lieu où déjà on aurait trouvé des sépultures.

La plupart des noms donnés aux confins territoriaux proviennent, comme ou sait, le plus ordinairement, de quelque circonstance qui s’y rattache et qui en a décidé l’emploi.

Naguères, dans un circuit rapproché, aux environs de la place qu’occupait la pierre, la bêche dans les vignes, la charrue dans les champs, s’arrêtaient contre des margelles de puits et contre dos fondations de murs renversés; et l’on rencontre encore en remuant la terre, des tuiles romaines dont on recouvrait les bâtiments, et d’autres tuiles différentes de forme et de dimension qui servaient à la confection des canaux.

Combien de fois, dans ces temps, pour approprier le sol n’a-t-on pas reporté de ces fragments antiques dans les, chemins alors mal entretenus, pour en diminuer les fondrières. De combien de matériaux de ce genre des cultivateurs que j’ai connus n’ont-ils pas nettoyé’ leurs champs !

Malgré que l’on ne laisse plus inculte, comme auparavant, tout ce qui faisait obstacle à l’ouvrier, l’agriculteur ayant à son secours plus de bras, plus de ressources et plus de bénéfices à recueillir ; malgré le zèle et les efforts successifs de la culture depuis près de 40 ans, depuis la fin de nos grandes guerres, on revoit sans cesse de nouveaux débris, on retrouve toujours de ces glorieux décombres des oeuvres des  maîtres du monde; et, comme si leurs travaux n’avaient pas assez des pages de l’Histoire pour en assurer l’éclat, la terre elle-même semble vouloir se charger d’apprendre aux plus utiles de ses enfants, leur puissance et leur immortalité.

J’ai entendu un moissonneur dire que, dans sa jeunesse, il avait trouvé prés des mêmes localités, des grains de verre qui brillaient au soleil; leurs couleurs variées les lui avaient fait ramasser et attacher au cordon de sa montre d’argent.

La découverte faite dans ces derniers temps n’est donc pas un fait isolé, mais elle se lie à un ensemble de choses et de circonstances qui prouvent que ces lieux aujourd’hui livrés à la grande et à la petite culture, ont été habités. Par qui?

La nature des fragments, des morceaux trouvés, et qui paraîtraient de diverses époques, ont bien leurs voix pour expliquer le silence des temps et l’inattention ou l’impuissance de l’Histoire.

Mais les monuments qui sertissent le sol ou qui le foulent de leurs lambeaux, ont bien de la logique et de l’éloquence, et valent tout au. moins les pages d’un livre.

Au reste l’Histoire peut se souvenir qu’elle n’a eu quelquefois, pour expliquer les traces et la destruction du passé, d’autres preuves à fournir, que quelques bribes conservées de ses monuments et dont elle savait faire profit; et nonobstant l’exiguïté de ces restes, elle se montrait heureuse de s’en appuyer.

La pierre, comme l’indique la planche, présente la figure d’un rectangle soutenu par un socle et faisant un ensemble d’une seule et même pièce. Je désire d’apprendre que la science archéologique aura puisé à ces explications assez de renseignements pour en tirer une conclusion définitive, et je serais heureux d’avoir quelque peu aidé à ce résultat.

Le peu de terre qui la couvrait laisse penser que cette pierre a pu être déjà rencontrée par quelque travailleur, avant 1842.

Cependant il ne faut pas attacher d’importance à cette supposition que le couvercle aurait été transporté dans l’église d’Amance. Celle version manque d’appui. Il y aura toujours des personnes qui s’imagineront qu’une sorte de prétention ingénieuse à pouvoir tout s’expliquer , doit suffire pour remplacer la sûreté et l’exactitude des faits qu’ils ignorent.

Il serait surprenant, d’ailleurs, que les matériaux pris aux mêmes carrières n’eussent pas quelque conformité entre eux; et il n’y a pas ici d’autres inductions à en tirer. La plupart des pierres de taille employées aux anciennes maisons, ainsi que partie de celles de la tour de l’église, réparée dans la dernière période du siècle dernier, semblent provenir généralement des démolitions de. l’ancien château d’Amance.

Ces pierres sont blanches, ruptiles, marquetées de points d’ocre, et sont extraites, d’après la confrontation qui en a été faite, du territoire de Bouxières-aux-Chênes ou de celui de Montenoy qui lui est contigu.

Les pierres de taille du château d’Amance, rasé par l’ordre de Richelieu, pendant la guerre de Louis XIII contre la Lorraine ([3]) et celles du monument de 1842, ont la même analogie et paraissent avoir été tirées du même lieu;

Il ne faudrait donc rien conclure, en cette circonstance, de ce rapprochement ni de cette similitude.

La pierre creusée laisse voir d’une manière très-apparente une sorte de polissure de 0m. 40 de largeur sur les bords supérieurs et extérieurs de tout son pourtour, comme si un recouvrement eut dû s’y adapter. Sur la portion haute de la pierre, la taille très-visiblement n’est pas la même qu’à la partie inférieure qui n’est que piquée-brut, jusqu’à la naissance du socle.

On ne distingue pas, d’ailleurs, la moindre marque d’usure ou de frottement aux bords extérieurs, aux parois, sur la surface de la table qui est taillée proprement et terminée, ni enfin dans le fond du creux rectangulaire de la pierre.

Une ou deux cassures s’y faisaient voir et ont eu lieu par l’effet récent, bien visible et bien constaté, des chargements, décharges et transports.

La pierre ne retient, dans aucune de ses parties, la plus légère trace de ciment. En raisonnant, selon la pensée que j’avais adoptée, dans la supposition que ce fût un tombeau, on pourra se rappeler que les tombeaux en pierre d’un seul contexte, tirés des terrains rapprochés de l’ermitage de saint Eucaire, commune de Pompey, montraient aussi une fermeture sans scellement ([4]).

Ainsi la pierre d’Amance renfermait une portion de mâchoire humaine, et un corps tout entier à l’état de squelette reposait à 6 mètres, de là dans le rayon territorial nommé Tête-à-Mur, appellation qui pourrait donner à croire, comme je l’ai exprimé, qu’avant les temps actuels on aurait pu y rencontrer des dépouilles humaines.

Au reste on ne peut parler avec trop d’hésitation et de-prudence, quand il s’agit de choses que recouvre la nuit du passé.

Cependant on pourrait peut-être affirmer sans pour cela désirer soutenir un paradoxe, que l’Histoire serait plus vraie et plus fertile en enseignements utiles, si l’on pouvait l’écrire plutôt avec ce que l’on en ignore, qu’avec ce que l’on en connaît.

Outre le dessin du monument, qui sera une représentation instructive et un guide essentiel pour la science, si j’ai reporté la pensée sur divers détails, c’est pour les fixer tout-à-fait dans la mémoire des personnes étrangères aux localités, et rappeler autant que je le puis, pour elles, l’exactitude de ces faits, sans la connaissance desquels il y aurait moins de motifs de se prononcer, et sans lesquels on n’aurait pas non plus, pour ainsi dire, la somme des faits connus qui ont surgi des découvertes.

J’avais offert à la Société d’Archéologie de faire l’acquisition de la pierre d’Amance, mais alors la Société éprouvait les incertitudes et les anxiétés qui devancent ordinairement en ce monde toute nouvelle fondation, tout nouvel établissement, et dont par privilège, il faut en convenir, les conceptions utiles devraient être exemptes.

Il n’eût pas été facile non plus, surtout alors, de trouver un emplacement propice à y déposer quatre pierres d’un volume si considérable et si embarrassant.

La pierre monumentale en forme d’auge a été acquise par M. Ferry, propriétaire et cultivateur à Pulnoy, pour en faire une auge d’abreuvoir; et dans ce but il a dû la faire percer, car, dès l’origine, quand on l’a trouvée, on n’y voyait aucune trace d’ouverture.

Le Comité du Musée lorrain m’ayant fait l’honneur de me nommer un de ses Membres, j’ai cru, habitant d’Amance, qu’il était de la convenance de mes nouvelles obligations, en outre connaissant les localités, de ne pas laisser tomber sous le marteau du maçon, inaperçue et sans réclamer un examen sérieux, une chose antique, dont le modèle reproduit pourra se reconnaître quelque part, et qui parait d’autant plus mériter l’attention par son importance matérielle et archéologique, qu’elle a déjà plus excité la diversité des opinions.

On avait même prétendu que le type de ce morceau antique était d’autant plus difficile à constater, que le travail paraissait n’eu pas être achevé.

Mais cette hésitation sur sa destination première serait plus apparente que réelle et équivaudrait même à une assertion, puisque cela ferait supposer que l’on a pu découvrir le motif de son utilité antérieure. Comment, en effet, pourrait-on juger sérieusement des formes non terminées d’une chose que l’on n’aurait pu reconnaître, et décider de ce que l’on ignore. Ainsi, cette manière de raisonner amènerait forcément ce que l’on paraîtrait vouloir éviter, une conclusion.

La supposition que la pierre a autrefois été fermée par un couvercle, rendrait plus probable l’opinion qui admettrait antérieurement à 1842, la mise au jour du monument, parce que dans ce cas un couvercle en augmentant son volume en élévation, l’eût plus rapprochée de la surface du sol, et par conséquent des divers travaux de la bêche et des outils du vigneron.

L’extraction qui a eu lieu à Saint-Eucaire de tombeaux en pierre d’une seule pièce, leur profondeur suffisante pour y recevoir deux corps superposés; puissent ces diverses particularités faire faire un pas de plus aux recherches, et porter quelque clarté sur la pierre creusée découverte à Amance.

Toutefois on peut déjà reconnaître que l’on attachait une grande importance à la pose de cette pierre monumentale, par la magnificence peu  ordinaire de son volume.

On pourrait même dire que si ce monument a dû servir de sarcophage, il était destiné à être placé hors de terre et en évidence, avec inscriptions sur sa fermeture. Et puisque l’on a acquis la preuve que les tombeaux en pierre  n’étaient pas toujours dérobés à la vue, la richesse de la matière et la réunion grandiose de tout ce qui composait cet imposant massif, indiqueraient assez, dans cette supposition, qu’il ne dût pas dans l’origine rester enseveli sous le sol.

Le peu de terre végétale qui le couvrait et qui avait dû s’amonceler pendant des siècles, jusqu’en 1842, par l’effet des eaux pluviales, au pied d’un coteau fortement incliné et dont la surface se trouve de plus encore remuée tous les ans par la culture, ne paraîtrait pas, en cette circonstance, devoir être une objection.

 

Louis COLLENOT.

[1] La partie défoncée et explorée du terrain contient au plus 1are 70 centiares.

[2] Je me suis assuré de ce fait et j’ai retrouvé chez le maçon, à Amance, la partie supérieure de la tête qu’il a laissée tomber involontairement, et qui est restée de trois morceaux

[3] V. Dom Calmet, règne de Charles IV  duc de Lorraine.

[4] V. la Notice faite par M.  Boulangé, au n° 3 du Journal d’Archéologie lorraine.

 

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